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Détruire pour reconstruire

Les rapports hommes femmes sont au cœur des films de la Nouvelle Vague cinématographique comme nous l’ont prouvé Godard, Truffaut, Chabrol ou encore Rohmer. Si ce courant cinématographique se veut moderne, il l’est mais essentiellement d’un point de vue masculin, Geneviève Sellier y consacre d’ailleurs tout un ouvrage. En 1957, alors âgée de 28 ans, Věra Chytilová est la seule femme étudiant dans la section réalisateur de l’école du film de Prague, la FAMU. Après quelques courts métrages et un long Quelque chose, la jeune cinéaste tchèque réalise le film féministe Sedmikrásky en 1966.



Le générique débute sur des plans présentant des engrenages et des explosions. Celui-ci est suivi d’une scène dans laquelle deux femmes, Marie et Marie, sont assises telle des poupées avec leur articulations grinçantes, métaphore de la femme objet qui n’est nullement vu comme une être singulière. Lors de cette scène, l’une des poupées se curent le nez, rompant ainsi avec les stéréotypes qui font de la femme un individu élégant et raffinée. Les explosions sont synonymes de destruction puisque les deux Marie s’apprêtent à détruire ces stéréotypes et par extension la place des femmes dans le but de renaître des cendres de ces clichés. Cette renaissance est justifiée par la dépravation constatée par les deux jeunes femmes, celle-ci est partout dans ce monde alors autant être dépravé à son tour. Marie et Marie sont alors propulsées dans un jardin qui s’apparente à celui du Jardin d’Eden. Tout comme Ève l’une des femmes s’empare de la pomme et mange alors le fruit défendu. Tout le film est d’ailleurs rempli de connotations bibliques de la luxure, à la gourmandise en passant par la paresse. Elles séduisent les hommes pour que ces derniers leur offrent une quantité astronomique de nourriture. L’une des dernières scènes du film s’apparente également à la Cène, comme dans la religion chrétienne il s’agit bien de leur dernier repas mais les deux femmes vont détruire l’ensemble de la vaisselle et initier une bataille de nourriture. Věra Chytilová est plus que brillante dans sa mise en scène, celle-ci est très minutieuse, chaque détail à son importance notamment les damiers présents sur les vêtements des jeunes femmes et sur le sol. Ces damiers peuvent être associés à la stratégie mise en place par Marie et Marie, comme aux échecs, la reine l’emporte sur le roi.

Ainsi tout au long de son œuvre, la cinéaste tchèque inverse les rôles traditionnels genrés en créant une œuvre riche et complexe avec des touches de cinéma expérimental qui dresse le portrait de femmes se comportant comme des hommes. Si ces personnages peuvent paraître détestables pour le public c’est simplement car ce sont des femmes, leurs actions seraient considérées comme socialement acceptables si elles étaient de la gente masculine. On retiendra la scène plus que mémorable dans laquelle l’une des Marie découpent méticuleusement des objets phalliques tels que des saucisses ou encore des bananes, scène dans laquelle la jeune femme finira par raccrocher au nez de l’une de ses anciennes conquêtes. Sedmikrásky est un film marquant qui mérite d’être vu et revu auquel il faut rendre sa place dans le champ cinématographique.


Clara

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