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Itim de Mike de Leon, 1976

Dernière mise à jour : 31 mai 2022

La mort est personnifiée, elle rôde et s’empare des corps.

En 1976, Mike de Leon sort son premier long métrage Itim dans un contexte particulier, celui de la dictature de Ferdinand Marcos. Tout comme Monologue son court métrage précédent, Itim s’inspire grandement du genre horrifique, dramatique et psychologique. L'œuvre est très vite controversée puisque l’on comprend en filigrane qu‘Itim n’est pas simplement esthétique, il porte en lui tout le poids du régime de Marcos. Le réalisateur philippin se retrouve par la suite privé de visa, l’empêchant de représenter son film dans les festivals.

C’est en salle Buñuel, que le distributeur Carlotta Films a été accueilli pour honorer la parole du cinéaste racontant les Philippines des années 70. Dans une situation politique et économique instable, la religion plonge dans l’obscurantisme d’une culture colonialiste.



Épaulé par une équipe qui débute, Mike de Leon retranscrit à travers la peur et le mysticisme le thème de la mort. Le film s’ouvre sur une longue séquence de chants et de pratiques religieuses qui seront réitérées à plusieurs reprises. Les rituels, allégorie du martyre, effrayent et en disent long sur la pensée du cinéaste. Le travail sur la couleur est crucial dans l'œuvre de Leon puisque le manque de contraste et de saturation ainsi que les fonds noirs obscurcissent le film, le rendant tragique. Les plongées nous montrent quant à elles que le divin pèse sur les personnages et qu’il ne cesse de les observer tandis que la profondeur de champ permet d’isoler les regards. En lisant sur ces visages, nous expérimentons l’angoisse qui saisit les protagonistes. Liés par cette terreur, qui ne fait que s’amplifier, Jun et Teresa font face à leurs démons. Le photographe immortalise leur rencontre et il est par la suite question de l’un des thèmes fondamentaux de la religion, la résurrection. De la Femme, aux liens cachés, tout resurgit. Si la famille de Jun est hantée par cette résurrection fantomatique de la soeur de Teresa, c’est parce qu’elle cette jeune femme est elle-même hantée par la mort de son enfant. Cette dernière a été voulu par le père de Jun, le film de Leon a ainsi pour sujet principal l’avortement. Or celui-ci demeure tabou à l’époque, c’est donc pour l’une de ces raisons que le film est audacieux. Mike de Leon met en scène le corps et son absence.

Si les intentions sont parfois complexes à saisir, il n’en est pas de même pour la narration très - voire trop lisible. Si Robert Bresson défend l’idée qu’une « image trop attendue ne paraîtra jamais juste, même si elle l’est.», Itim n’a pas pu y échapper. Le dénouement est trop vite accessible, certains plans en particulier ceux censés instaurer une tension répondent aux codes classiques du film d’horreur, lumière qui grésille, porte qui grince… Après une mise en scène en complet accord avec le subtil concept’œuvre, il aurait été plus judicieux de filmer la présence d’un fantôme de manière plus adroite que par des clés qui bougent toutes seules. Perdus dans une quasi autre dimension, nous aurions aimé mener notre jeu de piste au lieu de rester passif et se faire tenir la main par le réalisateur. Le spectateur est à reconsidérer !


Clara et Sarah

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