Il y a presque 50 ans, le 17 mai 1973, La maman et la putain recevait à Cannes un accueil tumultueux, « entre huées et applaudissements ». Françoise Lebrun souligne encore aujourd’hui la complexité d’un film littéraire aux propos avant-gardistes.
Les mots sur le bout des lèvres, trois amants échangent et partagent un quotidien langoureux. C’est dans la longueur que le film saisit le spectateur et recherche un équilibre entre le trio Veronika, Marie et Alexandre. Très souvent isolé, Jean-Pierre Léaud, maniant la langue des sentiments, performe avec extravagance sur des longs monologues. Mélomane, sentimental, rêveur mais aussi salopard, ce personnage cherche à « parler avec les mots des autres », pour les tourner à son avantage.
Malgré un point de vue masculin omniprésent, Pierre Lhomme le chef oppérateur filme différents portraits de femmes se positionnant dans une génération qui sexe-prime. Le spectre est large ; de la maternité à la frivolité, puis en évoquant l’avortement, un espace d’expression se créer. Veronika, y entre progressivement, elle s’impose aussi bien à l’écran que dans l’appartement des amants. C’est ainsi que la pièce devient lieu de débat où l’on évoque existentialisme, désirs et pulsions, satisfaites ou parfois refoulées. Le cadre resserré, les personnages témoignent sur l’Amour avec crudité et poésie. Emane alors, toute leur âme. En accédant à la profondeur des sentiments, le film résonne dans les consciences. C’est un hommage à une humanité passionnée.
Le monument effectue sa révérence en citant d’autres chef-œuvres : de la flamboyance de Nicholas Ray à la détresse de Piaf, les images et les mots se coordonnent pour donner au film une dimension épique. Tous les paramètres figurent pour savourer cet air d'antan qui plus est entraînant. En nous invitant donc dans l’image, Jean Eustache nous fait participer à cette mouvance générale, où tout est question de rencontre et de départ.
Sarah.
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